FONTAINE DE PÉROUSE TREIZIÈME SIÈCLE Pour ajouter une gloire de plus à toutes ses gloires, l’Italie éternellement féconde se couvrit au moyen âge, comme aux plus beaux jours de ses périodes étrusques et romaines, de monuments civils de tous genres et sans nombre. Entre les plus remarquables, il n’en est point où l’art ail autant multiplié ses merveilles que les fontaines destinées à orner les rues, les places, les jardins, les cours et les colonnades des palais et jusqu’aux portiques même des temples. Disons-le de suite, car c’est bien leur plus frappant caractère, il n’est pas un de ces réservoirs, qu’ils viennent de la grandeur des papes, de la libéralité des princes, ou bien encore de la sage gestion des vieilles républiques ou des communes, qui ne joignent à l’intention d’embellir les lieux qui les entourent un autre but non moins louable sans doute, celui de répondre aux premiers besoins des popula tions, aux plus impérieuses exigences de la salubrité et de l’utilité publiques. Telle fut à cet égard la domination d’un intérêt si élevé qu’il y eut de ces sources venues de loin et à grands frais, dues entièrement aux impulsions d’une charitable munificence. On dirait qu’elles jaillirent du cœur des mourants comme un dernier témoignage de leur pieuse commisération envers les pauvres et les petits. C’était couronner dignement une vie chrétienne et patricienne que d’amener ainsi des canaux qui pussent, au milieu des ardeurs de l’été, porter un salutaire rafraîchissement dans les veines de ceux qui sont voués aux plus durs labeurs et aux privations de la fortune. C’était à son dernier jour bien mériter de Dieu et de la patrie d’apporter par ses dons ou ses legs des flots en abondance pour désaltérer le sang des familles qui, dans leurs veilles comme dans leur sommeil, ne peuvent se soustraire aux atteintes d’une brûlante atmo sphère : la grande tribu du peuple, en effet, n’a point en partage à respirer l’air frais et pur des immenses salles, des longues galeries, des chambres dont les voûtes élevées en berceaux ou en dômes sont un si puissant apaisement aux poitrines haletantes de chaleur et fatiguées de repos.