GRENIER D’ARONDANCE DE L’ABBAYE DE VAUCLA1R, PRÈS DE LAON DOUZIÈME SIÈCLE. Si la féodalité n’avait eu le christianisme pour contre-poids, nul doute qu’elle ne se fut aussitôt abîmée dans la plus irrémédiable barbarie. Qu’était-elle autre chose que la force mise au service du plus brutal orgueil de domination? Dieu n’a pas voulu que la force fût jamais féconde, tant qu’elle ne serait pas vivifiée par l’esprit qui vient de lui. Réduite à soi, peut-être aurait-elle élevé les châ teaux hérissés de créneaux et de mâchicoulis, les citadelles défendues de tours et de fossés, les puissants et sombres donjons qui couvrirent toute la surface du sol européen, pour le diviser et l’armer contre elle-même. Mais ce qu’elle n’aurait assurément point produit dans son isolement, c’est une civilisation tout entière, telle que celle qui sortit du sein du système féodal, fécondé par la pensée chrétienne. Le moyen âge n’aurait représenté que l’image d’un Hercule informe et repoussant, s’il n’avait eu pour l’adoucir, le relever et l’ennoblir, une autre Minerve, réelle et divine cette fois, la croyance inspirée du chrétien. Et n’avons-nous pas un exemple saisissant de la stérilité de la force solitaire de l’espèce humaine, dans la permanence de l’état sauvage au milieu du monde? Une pareille dégradation, quelque part qu’elle se rencontre, n’est-elle pas une protestation sans fin ni trêve contre les prétentions insensées de ceux qui vou draient nous imposer aujourd’hui le dogme d’un progrès indéfini et spontané? Si ce dernier degré de l’abaissement de l’humanité, et la barbarie, son premier point de départ, sont, comme on l’a dit, les deux termes extrêmes de la civi lisation, il est facile en vérité d’apercevoir la cause de leur néant dans l’absence de l’esprit de foi, mobile initiateur des sociétés modernes. Mais dès qu’au principe féodal, si imparfait qu’il soit, se sera ajouté le prin cipe chrétien , aussitôt l’on aura vu découler de cette double source tout ce qui constitue la vie sociale élevée à l’une de ses plus hautes expressions. Une langue nouvelle et un art nouveau sont sortis tout armés de cette union mystérieuse de